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Une raréfaction d’eau à l’horizon – L’agriculture y contribue et en écope

Whitney leaning against a railing on a downtown street

D’ici 2050, la production alimentaire devra augmenter de 60% pour nourrir une population mondiale de plus de 9 milliards d'individus selon l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO). Or, l’ère de l’agriculture intensive est révolue. Avec l’accélération du réchauffement climatique et ses aléas dont notamment la sécheresse, l’intensification de l’agriculture, telle qu’on l’a connu dans les années 60s, n’est simplement plus envisageable. De nouvelles solutions sont nécessaires pour nourrir cette population mondiale sans menacer sa survie ; c.à.d : Produire durablement. Cette question de durabilité devient d’autant plus critique au vu des projections sur la pénurie d’eau, cette ressource pour laquelle aucun substitut existe. Le Maroc ne fait pas exception à cet enjeu global. Au contraire, le pays figure dans la liste des régions qui seraient les plus touchées par une raréfaction d’eau en 2040 selon les données du World Ressources Institute avec l’Economist Intelligence Unit.  


Depuis quelques années, l’intensification et la prolongation des sécheresses menacent les perspectives de développement durable et constituent un frein majeur aux projets de prévention des vulnérabilités alimentaires. La réalité est ardue à mesure que le temps avance :  l’eau se rarifie et cette raréfaction est globale, ce qui soulève des préoccupations légitimes quant à la survie. « Sans eau, il n’y a pas d’agriculture » serait un euphémisme vu que tout simplement « Sans eau, il n’y a pas de vie ». Dès lors, la question d’une agriculture à même de répondre aux besoins, en termes de sécurité alimentaire, passe par des solutions concrètes au défi de l’eau. 


Seulement 3% de l’eau sur terre sont douces. Ces ressources à tout point du globe peuvent être organisées selon trois formes à savoir les eaux de pluie, de surface et celles souterraines, servant pour satisfaire les diverses utilisations qu’on en fait (agriculture, industries et usage domestique à hauteur respectivement de 70%, 19% et 11%). En comparaison aux deux premières formes, les eaux souterraines constituent une source particulièrement stable. 


L’agriculture, grande consommatrice d’eau, sous-entend autant les cultures installées en régime pluvial que celles conduites sous irrigation avec sa part de 70 % de l'ensemble des prélèvements d'eau dans le monde (eau de surface et souterraine). Environ 40% de la superficie irriguée dépend des eaux souterraines et donc fait appel à des réservoirs qui se réalimentent lentement (certains à une échelle géologique soit entre des milliers et des millions d’années). Or, ces mêmes nappes phréatiques s’épuisent vite. 


Le changement climatique est responsable de l’amplification des épisodes de sècheresse avec une incidence sur les précipitations, le ruissellement, les flux hydrologiques. La recharge en eau des nappes souterraines, et plus particulièrement des nappes libres, se fait grâce à l’infiltration de l’eau de pluie. Ceci affecte ainsi la réalimentation des nappes souterraines : les usages étant supérieurs aux approvisionnements, la précieuse ressource s’amenuise. La remarque est encore plus flagrante, considérant que les fortes chaleurs particulières aux périodes de sècheresse, entrainent une augmentation de l’évapotranspiration, ce qui diminuerait encore l’eau réellement infiltrée.  


Impact de la raréfaction de l’eau sur les habitudes d’utilisation et de consommation en agriculture : Cas du Maroc 


« La pire sécheresse depuis 30 ans » : c’est ainsi que s’annonce la conjecture que traverse le Royaume Chérifien pour ce 2022. Des décennies durant, sujet à une sécheresse récurrente, le Maroc, se trouverait à l’heure actuelle selon les experts à un tournant inédit dans son rapport à la question hydrique. Les incidences relevées (ou attendues) dans le secteur agricole (grand consommateur à hauteur de 87%) et les compromis entrepris pour rationaliser son usage en témoignent. Des cultures sont abandonnées pour d’autres tandis que les conduites techniques sont reconsidérées et réévaluées. Dans les faits, la rentabilité directe pour certains produits s’est trouvée impactée considérant les investissements et les coûts opérationnels importants pour assurer l’irrigation. L’eau n’est plus accessible aux mêmes profondeurs qu’auparavant et la disponibilité de l’eau au niveau d’un puit ne tient plus sur la même période : les investissements importants s’ils ne sont pas perdus dans le meilleur des cas peinent à être rentabilisés pour certains scénarios. Des coups durs ont frappé la majorité des producteurs à l’échelle nationale en cette saison du fait de la portée de la sécheresse qu’encourt le pays.  


Par ailleurs, des questions sont soulevées sur la nécessité ou pas de produire certains produits agricoles au regard de leur grands besoins en eau parce que comme le font remarquer certains experts en la matière, « Le problème de l’eau au Maroc est une réalité » et on ne pourrait s’offrir durablement ce luxe. Et ce, quoi qu’on dise de la valorisation de ces cultures dans d’autres contrées et tant bien même qu’elles seraient source d’entrée de devises. Valent-elles d’investir le capital hydrique déjà en situation critique ? La situation est telle qu’au-delà des interrogations sur les changements dus aux besoins en eau des cultures, le foncier agricole est touché. Localisés dans des zones aux ressources hydriques limitées ou inexploitables pour la production, certains terrains agricoles ont vu leur valeur dégringoler. Dans ce nouveau contexte, des projets agricoles (capital foncier y compris) sont menacés considérant que la sécheresse favorise la salinisation des terrains sous le coup d’une mauvaise gestion de l’irrigation. Ce phénomène est bien connu : au Maroc, la salinisation des sols affecte 160 000 ha (sur un total d’environ 1.6 M ha) des surfaces irriguées et cause d’importantes pertes en matière de productivité agricole. 


L’état de pénurie d’eau a mobilisé plusieurs structures étatiques à l’instar du Ministère de l’Intérieur dans l’activation des « commission provinciales » pour la gestion rationnelle des ressources hydriques. Il est question d’actions visant la priorisation des usages : l'interdiction d'irriguer les espaces verts avec de l'eau potable, des eaux de surface ou des eaux souterraines, l’interdiction du nettoyage des routes et des espaces publics avec ce type d'eau mais aussi l'application de restrictions sur les débits d'eau distribués aux utilisateurs et l'interdiction du prélèvement illégal d'eau dans les puits ou d'autres sources telles que les canaux d'irrigation.  


Face à cette situation alarmante, la stratégie hydrique du pays adopte de nouveaux objectifs et dédie des investissements importants pour trouver des alternatives. Il s’agit entre autres de projets pour le traitement des eaux usées et l’amélioration de l’irrigation dans les zones rurales tels que portés par le ministère de l’Eau. En outre, elle met en œuvre en urgence, le programme de dessalement des mers dont les implémentations dans plusieurs localités à savoir Casablanca, Agadir et Saïdia sont en cours avec pour objectif la réduction de la pression sur les nappes souterraines. 


Enfin, les producteurs agricoles sont entrain de se réinventer pour composer avec cette nouvelle réalité. Entre les innovations en matière de système d’irrigation, les nouveaux systèmes de gestion de l’irrigation et l’adoption de la digitalisation pour raisonner l’irrigation, le secteur n’a d’autres choix que d’ innover pour optimiser l’utilisation de cette ressource vitale



L’agriculture connait une pression triple : une urgence d’assurer la sécurité alimentaire, l’importance d’adopter des pratiques durables et la menace causée par les épisodes de sécheresse récurrents. Bien entendu, l’eau est au cœur de ces pressions. Au Maroc, les acteurs publics et privés multiplient les efforts et sont pris à le faire pour prévenir la pénurie de cette ressource précieuse et faire en sorte que chaque goutte d’eau compte.